Dans mon métier, les appels d’offres font partie du jeu. Ils sont souvent passionnants, parfois épuisants, toujours stimulants. Quand 2A Consulting a participé à sa première compétition il y a presque 10 ans, mon équipe y a mis tout son cœur. Elle s’est battue avec talent, mais ses efforts se sont soldés par une défaite. Un échec ? Pas si sûr…
A l’époque, la consultation portait sur le lancement d’une structure importante. On voulait ce budget. On y croyait. Parce qu’on avait la compétence pour bien organiser l’événement. Le challenge nous excitait alors on s’est mis à bosser. On a veillé, on a passé des nuits blanches. Brainstorming, stratégie, repérages : toute l’équipe s’est mobilisée et on a fait un super boulot. On a vraiment « mis nos tripes » dans ce dossier.
Après la première phase de sélection, le client nous a annoncé que nous étions retenus dans une short list. Ça nous a boostés. On s’est réjoui : « Wow, c’est la première fois qu’on participe à un appel d’offres et on est dans la short list ! » Il y avait beaucoup d'agences en compétition et nous étions parmi les finalistes. C’était quelque chose d’extraordinaire pour nous !
Nous voilà invités à venir défendre notre recommandation devant le jury final.
La présentation se passe bien. Belle prestation.
Nous attendons le résultat mais la réponse tarde à venir. Nous activons alors nos petits réseaux. On essaie de savoir ce qui se dit dans les coulisses, on prend la température…
Les échos qui nous reviennent sont positifs : “Vous avez fait une belle présentation, normalement vous devriez passer”. L’optimisme grandit. Tous les retours que nous avons soulignent la qualité de notre travail. Nous sommes fiers et confiants.
Et puis le verdict tombe : la réponse est négative. Le client nous annonce que nous n’avons pas été retenus. Nous lui demandons les raisons pour lesquelles notre dossier a été rejeté mais il ne nous fait pas de retour précis. Il ne nous donne pas les raisons qui ont motivé son choix.
Nous finissons par comprendre que nous n’avons pas échoué pour des raisons techniques. Que la qualité de notre travail n’est pas en cause. En réalité, nous avons été desservis par notre « jeunesse » et notre absence de références. Le jury a estimé que nous étions des nouveaux venus et que nous devions « faire nos classes ». Bref, le client n’a pas voulu prendre le risque de confier son lancement à une nouvelle agence.
« J’ai vu mes équipes complètement cassées, en proie à un profond goumin professionnel. »
Ce fut un vrai choc. Une énorme frustration. Une immense déception.
J’ai vu mes équipes complètement cassées, en proie à un profond « goumin » professionnel. Presque en deuil ! Quand tu es entrepreneur et que tu subis un échec pareil, tu dois absolument reprendre la main sur le management des équipes. Sinon les collaborateurs déçus prépareront la prochaine compétition sans conviction, plombés par l’idée que les appels d’offres sont injustes, que c’est un peu la « loterie ».
Je me suis retranché spirituellement. Je suis entré en moi-même et je suis ressorti de cette introspection requinqué. J’avais accepté la défaite. Armé d’un mental d’acier, j’ai remonté le moral des troupes. J’ai dit à mes équipes : « Ce n’était pas pour nous, ce n’était pas le moment, ce n’était pas le timing. Le seul point qu’il faut retenir, c’est qu’on a été bons. Remarquables même. Ils nous ont félicités, restons sur ça. Notre heure viendra. »
La team a remonté la pente et, surtout, a changé de mindset. Elle a cessé de s’apitoyer sur son sort et de se laisser polluer par la théorie du complot qui consiste à penser que « les dés étaient pipés » (ce qui est parfois le cas, malheureusement). Nous avons adopté une attitude positive, courtoise et professionnelle avec le client. Nous l’avons remercié, assuré de notre disponibilité et nous lui avons donné rendez-vous pour de nouvelles aventures.
Et là, surprise !
Le client nous rappelle : « Vous n’avez pas gagné l’appel d’offres pour notre lancement, mais on a besoin de vous pour nous accompagner ». Incroyable ! Un mois après notre cruelle élimination, il nous confiait toutes ses activations en exclusivité. Un contrat à l’année, beaucoup plus juteux que le budget de lancement de l’appel d’offres !
Cette entreprise est vite devenue notre plus gros client. Voilà des années que nous travaillons pour elle. Et nous sommes toujours en relation aujourd’hui !
J’ai tiré plusieurs leçons de cet épisode fondateur.
D’abord, on ne se décourage pas au premier échec ! Il ne faut jamais baisser les bras, jamais désespérer. Il faut avoir confiance en sa technique et continuer à la travailler. Quand on lit sur nos gbakas « Seul le travail paye », on pense que c’est « amusement de gbaka ». Mais ce n'est pas de l’amusement : le travail paye ! Un jour ou l’autre, il paye !
Cette histoire m’a appris une autre chose essentielle : quand on ne gagne pas, c’est que ce n’est peut-être pas le moment. Il y a un être supérieur qui maîtrise le timing, qui « gère la montre ». Il y a des choses qu’on ne contrôle pas. J’ai accepté cette réalité.
« L’erreur est dans l’aigreur. »
Enfin, il ne faut jamais tout envoyer balader par dépit. Beaucoup d'entrepreneurs acceptent mal la défaite. Ils réagissent avec amertume : “J’ai perdu, c’était biaisé, je ne participerai plus aux appels d’offres ! » Sous le coup de la déception, ils font tout exploser et détruisent la relation avec le client, s’ôtant toute chance de rebondir. L’erreur est dans l’aigreur. Ne diabolisez jamais le client, ne le maudissez pas au premier échec. Ce même client peut vous rappeler quelques semaines plus tard pour un autre dossier. Parce qu’il a été déçu de la prestation du concurrent. Parce qu’il réalise qu’il s’est « planté ». Parce que le DG a changé !
Des appels d'offres, j’en ai perdu d’autres. J’en ai gagné beaucoup aussi.
J’y participe toujours sans idée préconçue et je demande à mes équipes d’adopter cet état d’esprit, de se concentrer sur leur travail, en faisant fi de toute autre considération parasite.
Parce qu’un appel d’offres est une compétition.
Et qu’une compétition est incertaine par définition.
La seule chose dont vous pouvez être certain, c’est que le travail de qualité paie.
Tôt ou - juste un peu plus – tard 😉.